CÉSAR 2023 : POURQUOI LES FEMMES RÉALISATRICES RESTENT SOUS REPRÉSENTÉES ?

Cinq nommés, cinq hommes. Comment se fait-il qu'aucune femme ne soit présente dans la prestigieuse catégorie de la meilleure réalisation ? Et qu'une seule soit en lice dans la catégorie du meilleur film ? À l'annonce des nominations le 25 janvier dernier, plusieurs personnalités se sont étonnées de voir les femmes réalisatrices si peu représentées.

Dans la foulée, le Collectif 50/50 qui milite pour plus d'égalité dans le milieu du cinéma, avait dénoncé un "manque de représentativité". Depuis l'existence de la cérémonie des César (1976), une seule réalisatrice a été récompensée : Tonie Marshall pour "Vénus Beauté (Institut)", en 2000.


Les femmes ne sont pas pour autant absentes de la cérémonie des César qui sera retransmise ce vendredi soir, elles sont même plus nombreuses dans la catégorie des meilleurs courts-métrages (animation et documentaire). Elles sont aussi majoritaires dans la course au César du meilleur montage et des meilleurs costumes.

"Les femmes sont aussi nombreuses que les hommes dans les écoles de cinéma, mais certains métiers restent très genrés. On le voit bien, elles sont plus nombreuses dans les métiers du paraître comme le maquillage, les costumes et bien moins nombreuses dans les métiers plus techniques, on va dire, y compris à la réalisation", regrette Sonja Jossifort, sociologue et formatrice spécialisée sur les questions d'égalité.

En Europe, un peu moins d'un réalisateur sur quatre est une femme (lire ici). "Forcément, en bout de course, elles sont aussi moins représentées dans les jurys, dans les festivals et dans les cérémonies", poursuit Sonja Jossifort. Pourquoi ? Plusieurs raisons peuvent l'expliquer, souligne la sociologue, adhérente au mouvement HF et au Collectif 50/50.

"Quand on fait un film, ce sont des sommes d'argent qui sont en jeu. Et plus il y a de l'argent en jeu, plus les places se disputent... Surtout dans le contexte de crise qui traverse le milieu en ce moment. Il faut dire les choses, certains sont accrochés à leurs privilèges ! Le milieu du cinéma évolue, mais sur le plan des mentalités, ça va à la vitesse d'un escargot."

Et puis il y a certains clichés sur les femmes réalisatrices, qui ont la vie dure.

"Soit elles sont hystériques, soit elles ne savent pas faire. Alors qu'un homme, on dira de lui qu'il a du caractère, du tempérament, qu'il sait se faire respecter sur un plateau. Donc oui, il y a des stéréotypes, du sexisme ordinaire à toutes les étapes de la réalisation d'un film."

Sans oublier le sujet de la maternité, qui peut éloigner les femmes des plateaux. "Et si par malheur, on parle ensuite de rééquilibrer tout ça avec des actions positives, notamment sur la parité, on entend des choses pas possibles... Comme si les femmes, forcément incompétentes, voleraient la place des hommes, forcément talentueux ? Franchement..."

Le mois dernier, la députée du Rhône Marie-Charlotte Guérin proposait de lancer les Cléopâtre pour récompenser les réalisatrices de l'année. Une plaisanterie prise au sérieux par le magazine Causette, qui a lancé sur son site un prix 100% féminin. Six réalisatrices y étaient nommées. Et ce sont Alice Diop et Rebecca Zlotowski qui ont remporté le prix.