Mais alors... On dit "le" ou "la" Covid?
Le mot de l'année, un nom mutant de maladie adoubé par des fonctionnaires internationaux, n'arrive pas à se décider en français entre masculin et féminin.
"Nous linguistes, on attend en bons darwiniens que des deux formes l'une l'emporte sur l'autre", affirme Yannick Chevalier, maître de conférences à l'université Lumière de Lyon.
L'origine du mot Covid nous vient de l'anglais "COronaVIrus Disease" (maladie à coronavirus), le "19" précisant que la maladie est apparue en 2019. Et l'OMS, tout de suite, écrit "la COVID-19", au féminin, tout en majuscules.
C'est donc un acronyme étranger, conçu pour servir dans le plus de langues possible, et que le français n'adopte pas sans accroc. Sa typographie fluctue, entre "COVID" et "Covid". Son genre aussi va vite devenir incertain.
À l'Académie française, l'hégémonie du masculin
Comme la grande majorité des mots importés qui ne sont pas clairement masculins ou féminins (bermuda, camping, goulag, karma, sauna, sushi, etc.), il est d'abord masculin dans le langage courant: "le Covid-19". En France du moins.
En revanche, le 6 mars dernier, l'Office québécois de la langue française tranche en faveur du féminin. Tout comme le gouvernement fédéral canadien ensuite.
L'Académie française met finalement longtemps à intervenir, pour tenter de rectifier ce masculin qui s'est solidement implanté. Le 7 mai, elle met en ligne un article qui recommande de "dire la covid 19, puisque le noyau est un équivalent du nom français féminin maladie".
"Ce diktat a eu quelques effets. Il a fait rire dans un premier temps, et puis à la rentrée de septembre, moment où les médias réfléchissent à leurs pratiques rédactionnelles, des journalistes ont suivi: la Covid", selon Yannick Chevalier.
Pas de décision unanime dans les pays francophones
Dans les autres pays francophones, dont la Belgique, la Suisse ou les pays africains, qui n'ont pas d'institution de normalisation du français, on observe un flottement.
En Belgique, pays d'une forte complexité administrative, certaines administrations préfèrent le féminin, comme le Service public fédéral de santé publique, d'autres le masculin, comme le ministère des Affaires étrangères.
La majorité des gouvernements en Afrique, dont la Côte d'Ivoire, le Sénégal ou les deux Congo, disent "le Covid". Mais celui du Mali "la Covid". Sur le site internet du gouvernement en Tunisie, les deux cohabitent.
Le Canada se distingue comme le seul pays où le féminin domine quasi exclusivement.
Pour Yannick Chevalier, le masculin a des chances de l'emporter en France. "Pour moi ça va être le Covid, parce que c'est comme ça que c'est arrivé. Le mot renvoie à une expérience traumatique, et quand un mot est chargé d'investissements affectifs aussi forts, on peut difficilement le changer".






