Ensemble, ils observent une minute de silence pour honorer la mémoire de Charlotte, consœur magistrate qui s'est suicidée en août dernier.
Vient le tour du service correctionnel, du tribunal pour enfants, des affaires familiales et du civil. Une délégation représentant le parquet prend aussi la parole, puis les avocats. À chaque fois, les mêmes problématiques sont soulevées. Des audiences qui s'enchaînent jusque tard dans la nuit, des délais qui s'allongent. Parfois plus d'un an pour qu'un procès se tienne.
"Je dors très mal"
"Quand on rentre dans la magistrature, on a un certain idéal. On veut rendre une justice de qualité, on s'intéresse à nos compatriotes", confie Michel-Henri Ponsard, juge de référé à Lyon et délégué régional de l'Union Syndicale des Magistrats. "Mais quand on est débordé, qu'on travaille avec des cadences anormales, il y a un mal être. Les décisions doivent être rendues dans des délais raisonnables, sans être bâclées... Moi je vais vous dire, quand je ne parviens pas à rendre les décisions dans les temps, je dors très mal."
Comme d'autres, il explique travailler certains week-ends "pour résorber les stocks".
Dans le hall du Tribunal Judiciaire de Lyon, il n'y a pas que des magistrats. En robes noires eux aussi, ce sont les greffiers. "Métier de l'ombre", souffle l'une d'elle. Garant des procédures, ils sont là pour assurer que tout est conforme au droit. Sans eux, pas de décision de justice. Ils rédigent les actes, se chargent des convocations et sont bien souvent les premiers interlocuteurs des justiciables.
"On est au front", résume Mona Guichet. Greffière auprès du juge des affaires familiales de Villefranche-sur-Saône, elle a fait le déplacement. "Avec les magistrats, on est comme une équipe, on est ensemble."
Pas assez nombreux, pas assez formés
Comme ses collègues présents ce midi, elle dit aimer son métier, "ce qu'il a d'important dans un État de droit". Mais elle veut aujourd'hui alerter : "nous ne sommes pas assez nombreux, pas assez formés. On est utilisé un peu comme des pions."
Plusieurs de ses collègues sont en télétravail ou à temps partiel pour ne pas y laisser leur santé. "J'ai la rage oui. J'ai mal au ventre d'aller au boulot en sachant que je ne vais pas bien le faire", poursuit-elle.
Entre les bugs informatiques et la surcharge de travail, elle raconte des permanences mal préparées faute de temps. "Une fois, je n'ai pas pu entrer, car on ne m'avait pas donné le bon badge pour la juridiction... C'était une affaire de violences conjugales."
Quant aux réponses du ministre de la Justice, elles sont jugées largement insuffisantes. L'une des avocates, par ailleurs représentante syndicale tacle Éric Dupont-Moretti : "on peut avoir été un bon avocat et un mauvais ministre", sous les huées. Les états généraux de la justice lancés en octobre dernier ne sont pas à la hauteur, estiment les principales organisations syndicales.
Une délégation reçue à Paris
Le garde des sceaux a notamment annoncé lundi l'augmentation du nombre de places au concours de l'École nationale de la magistrature pour permettre l'arrivée de 380 auditeurs de justice dans les juridictions dès 2023, ainsi que la pérennisation de quelque 1.400 postes créés dans le cadre de la justice de proximité.
Dans un message adressé mardi aux magistrats et agents judiciaires, le ministre s'est dit "déterminé à améliorer durablement (les) conditions de travail et le fonctionnement de la justice".
À Paris, une délégation de l'intersyndicale sera reçue à 19 heures par le directeur de cabinet du ministre chargé des Comptes publics. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a fait valoir à l'issue du Conseil des ministres qu'il y aurait "une augmentation de 30% du budget de la justice" entre le début et la fin du quinquennat.






